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Le blog d’une Scop d’informatique qui trace sa route entre réussite économique et valeurs coopératives.

Une filiale brésilienne au diapason des valeurs d’Alma

Emmanuel (3° à gauche) a lancé en 2009 Alma do Brasil, la filiale brésilienne d'Alma, dont il a été le gérant jusqu'à l'année dernière. Il revient sur la genèse du projet, les obstacles à surmonter pour se développer au Brésil et la démarche suivie pour mettre en place un management participatif… à la brésilienne.

 

Pourquoi Alma a-t-elle créé une filiale au Brésil ?

Nous avions depuis 2006 un revendeur là-bas (la filiale d’un partenaire français) mais malgré de bons retours des clients potentiels il vendait très peu et n’investissait pas dans nos produits. Nous avons compris qu’il n’était pas le bon partenaire et qu’il valait sans doute mieux être présent au Brésil directement. En 2008 nous avons tout remis à plat avec l’étude du marché et des différentes possibilités d’implantation, assistés de Business France, d’un brésilien salarié du revendeur qui connaissait bien nos logiciels et d’un consultant français.

La création d’une filiale a été jugée viable et après avoir mûri le projet au sein d’Alma, la décision a finalement été prise en Assemblée Générale début 2009. Nous avons choisi de nous baser dans le sud à Porto Alegre car c’est là qu’était notre revendeur, nous y avions quelques clients et la proximité de l’Argentine permettait d’envisager de s’y développer plus tard. De toutes façons, on ne peut pas adresser le Brésil avec un seul site, il était convenu que nous lancerions des antennes par la suite.

Et toi dans ce projet ?

Etant responsable export à l’époque, c’est moi qui ai piloté le projet et qui suis allé plusieurs fois sur place. La recherche d’un gérant brésilien n’aboutissait pas et de fil en aiguille, je me suis dit « et pourquoi pas moi ? » Une expérience à l’étranger n’était pas pour me déplaire, et cela cadrait finalement bien avec les objectifs d’Alma.

Tu n’avais pourtant pas d’expérience en management, pourquoi Alma t’a-t-elle fait confiance ?

C’est dans l’esprit d’Alma que de permettre à ses salariés d’évoluer quand c’est possible et de monter en responsabilités, les opportunités n’étant pas si nombreuses. Un gérant « almatien » au Brésil était aussi un moyen d’avoir la vision d’Alma, voire d’exporter la « philosophie Scop » là-bas. C’était bien sûr plus facile pour faire le lien avec la maison mère. Alma m’a donc dit Go! et je suis parti en été 2009, pour « 3 à 5 ans ». Finalement, j’y suis resté 6 ans.

Comment s’est passé le lancement sur place ?

Très chaud, mais pas pour le climat ! Il y a une grande rivalité entre la France et le Brésil en foot, où on fait à peu près jeu égal, mais en termes de bureaucratie le Brésil gagne haut la main. Louer des bureaux, faire des travaux, ouvrir une ligne téléphonique… A chaque fois c’est le parcours du combattant et on perd un temps fou. La filiale a été créée en octobre 2009 mais nous n’avons pas pu émettre de factures avant février 2010 ! Le fait qu’il n’y ait pas de fiscalité centralisée complique aussi beaucoup les choses. Ville, état, fédération, c’est le millefeuille à la brésilienne.

Comment as-tu constitué ton équipe ?

Nous avons repris Marlom, le technicien qui travaillait pour notre revendeur, un pilier de l’équipe, puis j’ai recruté un autre technicien, une assistante administrative et un commercial. Un vrai pari d’ailleurs pour ce poste : un jeune brésilien, diplômé de centrale Lyon, trilingue… un gros potentiel. L’équipe est ensuite passée rapidement à huit personnes dont deux commerciaux et trois techniciens, avec l’ouverture d’une agence à Sao Paulo début 2011. Nous avons réussi à recruter des profils de très bon niveau à des salaires raisonnables et compatibles avec la structure, grâce au projet d’Alma qui nous démarquait et au fonctionnement coopératif mis en place dès le début.

Quel fonctionnement ?

J’ai fait systématiquement participer les membres de l’équipe aux entretiens d’embauche après la première sélection, comme c’est la règle chez Alma. C’est d’ailleurs ce qui a convaincu Flavia de venir chez nous alors qu’elle avait déjà accepté un autre poste. J’attendais aussi des personnes qu’elles donnent leur avis sur le fonctionnement d’Alma do Brasil. Pour cela, j’ai instauré le plus de transparence possible en donnant beaucoup d’information dans les réunions mensuelles, y compris sur le groupe Alma, et en répétant à l’équipe que ma porte était toujours ouverte. Mais de telles pratiques pouvaient surprendre au Brésil car les entreprises même petites y sont très hiérarchisées, et les employés d’une « Limitada » (SARL) attendent du gérant qu’il commande et donne les consignes, point !

Du coup, cette culture d’entreprise a-t-elle été facilement acceptée ?

Les membres de l’équipe étaient plus familiarisés avec un cadre rigide, donc forcément il y a eu des incompréhensions. Nous les avons surmontées en organisant plusieurs séminaires durant lesquels on a pu mettre des mots sur un état et des attentes. Mon mode de management basé sur la confiance et la délégation était parfois vu comme un manque d’implication, voire d’intérêt pour leur travail. Sans remettre en cause ces principes qui sont les miens et aussi ceux d’Alma, nous nous sommes adaptés dans les deux sens, eux venant plus me voir et moi leur faisant plus de retour sur les résultats de leur travail.

Plus généralement, c’est facile de travailler avec des Brésiliens ?

Le Brésil est très facile au premier contact mais c’est plus compliqué de traverser la carapace. De même les visites chez les clients se passent toujours très bien, les gens sont très enthousiastes, ce n’est pas pour autant que c’est vendu, loin de là. Il ne faut pas se fier au côté « toujours positif » des Brésiliens !

Tu es rentré l’été dernier en France, l’esprit coopératif d’Alma do Brasil perdure-t-il ?

Le nouveau gérant a forcément un management plus « brésilien », plus orienté tâches que missions, mais certains principes bien ancrés sont restés : le souci de transparence, la participation de l’équipe aux décisions, des salaires pas trop élevés pour privilégier le partage d’une partie du résultat[1].

Où en est le Brésil économiquement et comment Alma s’en tire-t-elle là-bas ?

En 2014 tout le monde s’est fait surprendre par la crise alors que tous les signaux étaient au vert l’année précédente. Le Brésil a mis du temps à réagir, nous aussi… Ce fut une très mauvaise année, avec l’éclatement du scandale Pétrobras. Beaucoup de nos clients ont disparu. En 2015 nous nous sommes préparés au pire en restructurant l’équipe, en accélérant mon retour, en ciblant mieux notre offre et en étant plus agressifs commercialement. Du coup 2015 aura été la deuxième meilleure année de la filiale. Je suis assez pessimiste pour le Brésil qui s’enfonce dans une crise structurelle, avec des investissements au point mort, des relations sociales dégradées, plus de violence… Mais Alma do Brasil est une petite structure qui a su s’adapter, la transmission au nouveau gérant s’est bien passée, on a une bonne équipe et de bons produits, on s’en sort plutôt bien !

 

[1] Précisons que par principe, Alma ne remonte aucun bénéfice de ses filiales et que, sur le modèle de la Scop, le résultat doit servir à la fois à renforcer les capitaux propres de la structure et à être redistribué aux salariés.
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